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Transformer la route pour le vélo hors agglomération : solutions concrètes en configurations contraintes

Aménager les routes aux nouveaux usages du vélo parait parfois infaisable hors agglomération dans des cas où le profil en travers n’est pas assez large, où lorsque les contraintes environnementales ou techniques sont fortes. Mais ces dernières années, de nombreux exemples d’adaptations locales innovantes, démontrent qu’il est possible de concilier sécurité, performance routière et continuité cyclable, et ce, même en contexte contraint. Retour sur l’atelier “Transformation du réseau routier pour le vélo, en configuration contrainte hors agglomération”, organisé lors des 1ères Rencontres du Réseau vélo et marche à Annemasse.

Reconfigurer sans élargir

L’exemple du lac du Bourget (Savoie)

Sur la RD1201, au sud du lac du Bourget, le département de la Savoie a relevé un défi d’équilibriste : transformer une voie très circulée (jusqu’à 24 000 véhicules/jour) sans empiéter sur les zones protégées. « Avec un arrêté de biotope, impossible de prendre sur les côtés. Nous avons tout misé sur la reconfiguration du profil en travers », explique Nicolas Mercat, Maire du Bourget du Lac.

Résultat : une chaussée réduite de 7,60 m à 6,20 m, diminution des bas-côtés, création d’une piste bidirectionnelle de 3 m côté ouest, et abaissement de la vitesse de 80 à 70 km/h. Malgré la réduction de la largeur de chaussée, la capacité de la voie n’a pas été impactée et l’accidentologie est restée nulle. Cet aménagement à coût maitrisé a permis d’ouvrir la route à de nouveaux publics – familles, enfants, touristes – sans compromettre la fluidité automobile.

La RD1201 avant / après - ©Nicolas Mercat

La RD34 au sud de Quimper (Finistère)

Sur la RD34, la transformation a été plus radicale : 3,7 km de requalification pour un coût total de 3,8 M€, dont 1,4 M€ dédiés au vélo.
Avant-projet :  le trafic automobile était de 16 000 véhicules/jour, la portion comptait 21 tourne-à-gauche, deux zones de dépassement, 7 carrefours et enregistrait forte accidentalité.
L’aménagement a consisté à rétrécir la chaussée et supprimer les mouvements dangereux en remplaçant les tourne-à-gauche par des giratoires et en créant deux pistes cyclables sécurisées bidirectionnelles (2,5 à 3 m) prioritaires aux intersections, séparées de la route par des bandes enherbées en sections courantes et par des murets véhicules légers (MVL béton) autour des giratoires pour éviter les sorties de route. Les premiers comptages montrent déjà une fréquentation cyclable en hausse, malgré un raccordement encore incomplet côté Quimper.

Avant projet / Après projet sur la RD 34 - ©Département du Finistère

Clarifications sur le domaine d’emploi des Chaussées à Voie Centrale Banalisée (CVCB) :

Longtemps expérimentée sans cadre clair, la CVCB fait désormais l’objet d’une réponse synthétique de la DSR qui donnera lieu à la révision de la fiche CEREMA n°37.
Domaine d’emploi – La note rappelle que la CVCB est un aménagement « de dernier recours », à utiliser sur le réseau secondaire, lorsqu’il n’y a pas la possibilité d’implanter une solution plus performante permettant la cohabitation entre cyclistes et automobilistes.

Les nouvelles recommandations pour garantir le confort et la sécurité de tous les usagers rappellent qu’une CVCB devrait présenter :

  • Accotements de 2 m marquage compris ;
  • Vitesse < 50 km/h ;
  • Traffic < 4 000 v/j à 30 km/h et 2 000 v/j à 50 km/h
  • Limitation de la circulation des poids lourds (moins de 200 PL/j à 30 km/h et moins de 100 PL/j à 50 km/h) ;
  • Signalisation horizontale : ligne de rive d’accotement, utilisation des chevrons, utilité d’adopter un revêtement distinct
  • Signalisation verticale : une proposition de panneau unifié est en cours de validation
  • Utilité d’aménagements complémentaires pour marquer le caractère spécifique de la CVCB en entrée ou en rappel : écluses ou plateaux

Sur le terrain, les retours sont encourageants : sur la véloroute 63 à Grand Lac Agglomération, la CVCB et les aménagements complémentaires de plateaux ont réduit de 15 % les vitesses excessives et amélioré la continuité cyclable et piétonne. L’appropriation de l’aménagement par les piétons témoigne de la réussite du projet. L’inconfort visuel impose aux automobilistes une vigilance accrue. Une « inversion de la charge mentale » bienvenue pour les cyclistes et les piétons.

En Saône-et-Loire : alternat à feu

Face à l’impossibilité d’élargir une digue coincée entre le canal du Centre et la rivière Dheune, le CD71 a innové avec un système d’alternat à feu sur 265 m sur une voie avec un trafic de 2 300 v/j, et une voie verte latérale sur l’EuroVelo 6. Mise en place au printemps 2025, cette solution accompagnée d’une limitation de vitesse à 50 km/h, permet de sécuriser la section pour les cyclistes et d’améliorer la lisibilité tout en respectant le site naturel. La largeur de la voie verte est ponctuellement en deçà des largeurs préconisées (2 – 2,5 m au lieu de 30 m) pour garder une largeur la voie unique permettant le passage d’engins agricoles hors gabarit. « Une solution de compromis, mais fonctionnelle pour tous », résume Axel Thieulin, du Cerema DTER Centre Est qui a accompagné le projet.
Le dispositif a déjà réduit la vitesse et fluidifié la cohabitation entre usagers, tout en offrant une continuité cyclable nouvelle sur cet itinéraire touristique.

Voie verte et alternat à feu aménagés à Saint-Julien sur Dheune (Saône-et-Loire) - © Département Saône-et-Loire

Routes de montagne : co-construire les solutions

En Isère, une démarche multi-partenariale pilotée par le CEREMA explore les adaptations possibles en milieux montagnards, notamment sur le territoire du Syndicat Mixte des Mobilités de l’Aire Grenobloise (SMMAG). Les routes de montagnes présentent des profils très diversifiés avec des % de pente d’au moins 1-2 % sur le profil longitudinal, une densité de courbes importantes, des contraintes d’entretien saisonnières. Le SMMAG a constaté une hausse de la pratique cyclable dans les communes de coteaux appelant au partage de référentiels techniques communs pour aménager les dessertes cyclables.

En 2024, ateliers, échanges et parangonnage ont permis de dégager des fiches outils pour traiter des cas typiques : aménagements ponctuels, modification du plan de circulation, modification du profil en travers. Les premiers tests porteront sur trois itinéraires pilotes, avec l’ambition de créer une véritable boîte à outils d’aménagements cyclables de montagne.

 

Modérer la vitesse : 50 km/h hors agglo

Pour une cohabitation apaisée entre les usagers, la vitesse demeure le facteur clé. Le Département du Finistère pratique la limitation à 50 km/h hors agglomération sur certaines routes départementales à faible trafic – notamment – des sections touristiques (accès à la plage) ou fréquentées par les piétons et les cyclistes. Résultat : apaisement des vitesses réelles, meilleure lisibilité des aménagements, et hausse de la sécurité accrue sans altérer la fluidité du trafic. « Les usagers motorisés s’habituent à adapter leur vitesse ; ils sont souvent aussi cyclistes ou piétons », résume Didier Caudoux, Inspecteur général des routes à la DGITM.

 

CVCB, alternats, adaptation du profil en travers : autant d’adaptations permettent en contexte contraint de réinventer la route sans l’élargir. Pour y parvenir, les intervenants prônent souplesse, expérimentation et mesure des effets réels.  “Les recommandations sont des optimums ; l’essentiel est de trouver le bon compromis entre sécurité, faisabilité et acceptation », conclut Axel Thieulin du Cerema. Peu à peu, la route hors agglomération se transforme pour accueillir le vélo. Ce n’est plus une utopie mais une dynamique collective, pragmatique, déjà observable sur le terrain.

 

Armelle Boquien

Cet atelier et cet article ont été réalisés grâce au soutien de l’ADEME dans le cadre de l’accompagnement des départements et régions lauréats du programme AVELO 3 en 2025

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