Développer le vélo en territoires peu denses : la coopération avant tout
En 2023, l’État lançait l’Appel à Territoires Cyclables, un dispositif inédit visant à faire émerger des territoires exemplaires en matière de politique cyclable dans les zones peu denses. Doté d’un accompagnement financier significatif sur 6 ans et d’une exigence élevée, ce programme soutient aujourd’hui 27 territoires démonstrateurs, engagés dans une démarche de transformation durable de la mobilité. Dans un contexte où les attentes citoyennes en faveur du vélo s’expriment également dans les communes rurales, comme l’illustre le dernier Baromètre de la FUB, ces territoires dits « démonstrateurs » jouent un rôle clé pour accélérer la transition cyclable là où elle est plus difficile à enclencher et construire une coopération qui va bien au-delà de leur territoire.
Retour sur l’atelier des 1ères Rencontres du Réseau vélo et marche « Territoires démonstrateurs et départements : le duo logique ».
Des territoires précurseurs pour (tenter de) faire bouger les lignes
Un an après la signature des conventions, le programme Territoires démonstrateurs permet aux territoires lauréats de renforcer l’ambition de leur politique cyclable.
La Communauté de communes Aunis-Atlantique (Charente-Maritime) illustre bien la dynamique enclenchée. Lauréat du programme, elle a choisi de s’entourer de bureaux d’études de renom nationale pour renforcer la qualité technique et méthodologique de ses projets, tout en veillant à faire monter en compétence les bureaux d’études locaux. « En tant que territoire démonstrateur, notre rôle est de faire progresser tout le monde », souligne Heini Démougeot, cheffe de projet vélo à Aunis Atlantique. Le programme a permis d’oser des projets d’envergure, notamment des liaisons intercommunales de plusieurs kilomètres, qui n’auraient pas été envisagées sans cet appui. Le Département de Charente-Maritime a su se saisir de l’opportunité, en faisant coïncider son calendrier avec celui de la communauté d’Aunis Atlantique pour expérimenter une méthode conjointe de concertation sur le terrain dans le cadre d’un projet de reconversion de voirie en voie verte. Cette coopération de terrain auprès des habitants et des conseils municipaux a permis de consolider le projet, dans une configuration rurale dans laquelle il n’est pas toujours facile de convaincre sur le potentiel de la mobilité vélo quotidienne .
Au sein de la communauté de communes Cœur de Savoie (Savoie), également lauréate, le programme a permis de créer un poste dédié à l’aménagement cyclable et de structurer une démarche technique jusque-là inexistante. « Le programme nous a donné les moyens d’être identifiés comme un véritable interlocuteur vélo par le Département, notamment par la maison technique départementale », indique Violaine Vache, responsable du service Mobilité. Cette légitimité renforce la coopération avec les services départementaux et facilite la réalisation de projets plus ambitieux, comme l’aménagement d’un franchissement cyclable par la réduction du gabarit routier sur un pont autoroutier. Cette expérimentation, encore inédite, a contribué à faire évoluer les pratiques des services techniques départementaux et ouvre la voie à une approche plus intégrée de la mobilité. « Sans les échanges avec la communauté de communes, nous n’aurions pas envisagé cette solution. Nous disposons désormais d’un exemple à répliquer sur d’autres territoires. » souligne Laurent Valette, chef du service Mobilité au Département de la Savoie.
Au-delà des projets, le partage d’expériences au cœur de la réussite du programme
A toutes les échelles, des temps d’échanges entre pair s’organisent et permettent d’aller plus loin :
- Forte des échanges nourris au sein de la communauté AVELO, la Communauté de communes Aunis Atlantique a entretenu cette dynamique en organisant des échanges informels réguliers avec les chargés de mission vélo des CC voisines, aujourd’hui ces échanges sont élargis au Département.
- Le Département du Maine-et-Loire rassemble les EPCI lors de rencontres biannuelles pour suivre l’avancement des projets et traiter collectivement les enjeux techniques (autorisations environnementales, ingénierie, etc.).
- Le Département de l’Eure réuni un club vélo pour des retours d’expérience, trois matinées par an, et envisage désormais d’associer DGS et élus pour un pilotage politique renforcé.
- Le Réseau vélo et marche anime 7 Clubs différents (Régions, Départements, Métropoles, EPCI/Communes, Territoires démonstrateurs, Itinéraires et Destinations vélo, et Elus nationaux pour le vélo et la marche) qui réunissent plusieurs fois par an élus et techniciens pour échanger sur les sujets d’actualité du vélo et de la marche, partager leurs retours d’expérience et travailler sur des sujets communs.
Deux ans après son lancement, le programme Territoires Cyclables démontre toute sa valeur. Il ne s’agit pas seulement de financer des pistes ou des ouvrages, mais aussi de changer la culture de la voirie, de faire dialoguer les échelles, et de donner confiance aux territoires ruraux pour oser le vélo. L’enjeu est de capitaliser sur ces expériences : identifier les leviers et freins rencontrés, documenter les méthodes, diffuser les bonnes pratiques, et accompagner d’autres collectivités dans cette transition. Les 27 territoires démonstrateurs forment ainsi une communauté pionnière, porteuse d’un message clair : le vélo a toute sa place dans les territoires peu denses, à condition d’oser, d’expérimenter et de coopérer.
Armelle Boquien
Pour aller plus loin
Cet atelier et cet article ont été réalisés grâce au soutien de l’ADEME dans le cadre de l’accompagnement des départements et régions lauréats du programme AVELO 3 en 2025.